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Dans la moiteur des forêts de lianes, je marche, les chevilles immergées, aux frontières du silence. Un vol de perroquets fait bruisser les hauteurs, m’offre des éclats de ciel, je ne suis plus certaine de rejoindre l’ancien monde qui s’éloigne à mesure que j’avance. À l’arrière d’épaisses brumes j’entends des voix. Elles s’élèvent mais peut-être est-ce le bruit d’un dernier arrachement. Un peu à l’écart, un animal se jette dans les eaux troubles, c’est un tapir, une dendrobate. La marche est pénible, le genou est noyé et l’humidité s’infiltre par le tissu jusqu’aux hanches, la forêt m’absorbe. L’eau déborde de son lit et porte bien plus que son poids, elle est lourde de tous les chants du monde. Je frotte l’arrière de ma nuque, un fragment d’écorce se détache et vient heurter les eaux.