L’écologie n’existe pas. Au départ, j’veux dire, que ce n’est pas un mot pour moi, que ça ne se raccroche à rien, d’ailleurs c’est un mot que je n’entends même pas. Au départ, j’veux dire dans l’enfance, l’écologie c’est d’abord une absence et cette situation d’absence de mot dure longtemps mais je n’en souffre pas. Donc dans ma vie, la plupart du temps, l’écologie n’existe pas, même si maintenant c’est vrai que c’est un peu mentir que de dire ça. L’écologie devient un mot à la fin des années 90. J’ai une dizaine d’année et j’entends ce mot se hisser dans les conversations, je l’associe à des drapeaux. Oui, au départ l’écologie c’est un morceau de mauvais satin vert brandi par une presque foule à la télévision, et autour de moi on en parle, ça en parle, oui je m’en souviens très bien et je commence à comprendre. Autour de moi il y a un potager, des prairies, une laiterie, des bestiaux (veaux, vaches, cochons, poules…) et tout cela agite sérieusement mon monde. J’entends qu’on réfléchit : qu’est-ce qui profiterait le plus aux vaches ? comment les laisser pâturer au maximum ? comment adapter les cultures au terrain pour nourrir les bêtes et le sous-sol ? Comment travailler mieux en faisant moins ? Comment faire jouer les cultures voisines et les passages des animaux ? Comment sortir d’une agriculture intensive et polluante ? Je grandi dans ce brouhaha là mais qui n’a pas de nom, sinon celui de paysan. Et puis il y a ce mot, comme une apparition venue se déposer sur les gestes qui habitaient mon enfance et les corps de mes parents. Pour la première fois, je me retrouve avec un mot pour draper l’évidence, l’écologie est une apparition lexicale rétroactive.