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Ta langue, tu ne la quittes pas, tu l’enserres et vis contre elle, tu la creuses, la rognes et la ronges des jours durant. Ta langue n’est pas muette, ne tourne pas inlassablement dans ta bouche, elle se répand, frappe, lape, vient goûter la sueur des autres, leurs tremblements. Ta langue est gourmande, rôdeuse, elle se frotte à celles et ceux qui la provoque, un tantinet scabreuse, elle ne s’interdit rien; ni la confusion, ni les impasses grosses comme des trous sur la peau. Ta langue ne s’effraie pas facilement, ne tremble pas devant l’infinitif, elle tient ferme son endroit et s’alarme des mots qui reviennent comme des saisons. Rétive au mimétisme, elle s’innerve sans fin, développe ses attaches. Par d’autres corps, elle augmente ses appuis vient troubler jusqu’à sa racine quitte à désapprendre ses bordures. Ta langue, se déplie sans fin au-dehors de toi. Ta langue, ton muscle premier.